Cultures

Les jardins familiaux (ou jardins ouvriers), apparus à la fin du 19ème siècle, sont des parcelles de terrain mises à la disposition des habitants par les municipalités. Ces parcelles, affectées le plus souvent à la culture potagère, furent initialement destinées à améliorer les conditions de vie des ouvriers en leur procurant un équilibre social et une autosubsistance alimentaire.
Aujourd’hui ces territoires sont devenus des espaces de convivialité, de sociabilité et d’évasion. Mais que représente le jardin pour ceux qui y cultivent ? J'ai recueilli la parole des jardiniers Roubaisiens afin d’interroger leur rapport au lieu, à leur(s) culture(s) et à l’environnement.

Allotment gardens which appeared at the end of the 19th century, are plots of land made available to residents by municipalities. These plots, most often used for vegetable growing, were initially intended to improve the living conditions of workers by providing them with a social balance and food self-sufficiency.
Today, these areas have become spaces of conviviality, sociability and escape. But what does the garden represent for those who cultivate it? I gathered the words of gardeners in Roubaix in order to question their relationship to the place, to their culture(s) and to the environment.

 

 

 

 

Mohamed Boudaoud. Je suis né le 22 décembre 1953 en Algérie, du côté de Bouira. Mon père est venu en France pour des questions de travail, en 1955. Il était pied-noir. Il travaillait en Algérie, il faisait les moissons. Et en 1955, il y a eu une opportunité en France, il y avait du travail, donc il est venu. Il nous a tout de même fait vivre, il envoyait de l’argent. Il m’a ramené en 1958. J’avais 5 ans. J’ai grandi ici. Mon rapport avec l’Algérie c’est les racines, c’est tout. On sait que tu es né là-bas, mais autrement je n’ai pas de connaissances. Toute ma famille est ici. Celui qui a ses parents là-bas, il est obligé d’y retourner, tandis que moi mes parents étaient ici. Mon père et ma mère sont toujours restés avec nous en France. Même ma grand-mère, on l’a ramenée ici. Depuis 1958, j’y suis retourné une semaine en 2009, pour enterrer ma mère, elle voulait se faire rapatrier le corps.
Mon père a toujours eu un jardin. A une époque, il avait deux jardins : un derrière son usine, c’était Lefebvre & Bastin à Wattrelos -maintenant elle n’existe plus- il travaillait de nuit, et à cinq heures du matin, quand il faisait beau il allait dans son jardin avant de rentrer à la maison. Et puis l’après-midi, il allait à Kuhlmann, c’est un grand jardin aussi. Quand j’allais le voir c’était dans le jardin. Avec lui, j’apprenais, je regardais. J’ai passé des journées entières avec lui. Maintenant, on arrive à un âge où l’on n’a pas de travail. Cela fait quatre mois que j’ai arrêté. J’étais paysagiste. Je travaillais aux serres des Prés à Villeneuve d’Asq. J’avais le camion et je partais pour tailler des petits arbres, refaire les pelouses, les tondre. J’ai même été jusqu’à Bailleul pour eux.
Une fois que tu as gouté au jardin, tu ne peux plus t’en passer. C’est la nature, je ne sais pas, c’est le plaisir de cultiver ce que tu fais toi-même. Ça ne m’appartient pas mais c’est à moi, le légume est là. Je mets ca, je l’ai et je le mange, parfois sur place. (…)

 

 

 

 

Mohamed Boudaoud. I was born on the 22nd of December of 1953 near Bouira in Algeria. My father, a Pied-Noir, came to France for work in 1955. He was working the harvests in Algeria. And in 1955, he came across an opportunity in France, finding work here. So he came. He supported us all the same by sending us money. He brought me back in ‘58. I was 5 years old. I grew up here. My relationship with Algeria begins with my roots – it is everything. We know that you are born there, but otherwise, I have little knowledge of it. My whole family is here. He whose parents are there is obliged to return, whereas my parents were here. My father and mother have always stayed with us in France. My grandmother as well – we brought her back here. Since 1958, I’ve only been back there once, for a week in 2009 to bury my mother. She wanted her body to be repatriated.

My father has always had a garden. During one stage, he had two gardens, one behind his factory (Lefebvre & Bastin in Wattrelos) but that one no longer exists. He used to work at night, until 5 o´clock in the morning, when the weather was pleasant and he would go into his garden before going back into the house.

And later on, in the afternoon, he’d go to Kuhlmann – another great garden. I’d go to see him in this garden. I learned with him – I watched. I’d spend entire days with him. (…)

 

 

 

 

Gomez Viera Fernando Gabriel. Je suis né le 6 mai 1946 au Portugal, à Briteiros, entre Guimarães et Braga. C’est une petite ville, ce n’est même pas une ville, c’est des paysans. Dans mon pays, c’était la misère, donc j’étais toujours derrière le fermier pour avoir quelque chose à manger. Je finissais l’école vers midi et je partais directement voir le fermier. Tout ce que j’ai appris c’est avec le fermier. Les bêtes, le jardin. Savoir travailler la terre, une fois qu’on a appris, on ne va pas l’oublier.
Je suis arrivé en France en mai 1970. J’ai choisi de m’installer ici parce que je voulais renouveler un petit peu ma vie. En arrivant, j’ai travaillé à la construction civile. Après, je suis parti travailler au Terken, l’usine de bière au bord du canal, dans le temps c’était GBM. Je suis resté trente-deux ans, j’ai fini ma carrière là parce que la boutique a fermé et puis je suis parti en pré-retraite en 2002. Et là je suis en retraite depuis deux ans.
Mon jardin c’est comme si c’était mon frère. C’est ma maison secondaire comme on dit. Je passe plus de temps dans le jardin qu’à la maison. Dans mon jardin, je cultive de tout, de la salade, des échalotes, des ails, des oignons, du chou vert, des cœurs de bœufs, du raisin. Tout ce que je peux mettre dans ma terre, du radis, des navets, je le mets. Il n’y a pas un morceau de terre qui n’est pas occupé, simplement le passage, pour ne pas marcher sur la terre parce que je n’aime pas ça. Je respecte la terre, comme j’aime bien que l’on me respecte. Si je tombe, je n’aime pas qu’on marche sur moi. La terre elle n’aime pas non plus, c’est comme ça.
Ma terre, elle doit travailler comme je la travaille, elle doit être propre, nickel, il ne doit pas y avoir d’herbe parce que moi je ne mange pas d’herbes. Quand je vois des herbes, je les enlève tout de suite par la racine. (…)

 

 

 

 

Gomez Viera Fernando Gabriel. I was born on the 6th of May 1946 in Briteiros, Portugal – between Guimarães and Braga. It’s a small city – not even really a city – it belongs to the peasants.

There was so much hardship in my country, so I was always following the farmer to try and get something to eat. I’s finish school around midday, and then go to see the farmer immediately afterwards. Everything that I learned that was with the farmer. The livestock, the garden. Once one learns how to work the land, one does not forget.

I arrived in France in May of 1970. I chose to set up here because I wanted to kickstart a new stage of my life. Upon arrival, I worked in the civil construction sector. Afterwards, I left to work in Terken, within the beer factory at the edge of the canal, back when it was part of the GBM (Groupe de la Banque Mondiale [WBG – World Bank Group]). I stayed there for thirty-two years, finishing my career when the store closed and taking early voluntary retirement in 2002. And l have now been retired for two years.

My garden is like a brother to me. This is my second home, as I mentioned earlier. I spend more time in the garden than in the house. I grow everything in my garden, salad, shallots, garlic, onions, green cabbage, beef tomatoes, grapes. Everything that I can plant in my land – radish, turnips – it all goes in there. (…)

 

 

 

 

Francine Morel. Je suis née dans le Pas-de-Calais, en 1967, tout près de Béthune. Quand j’étais jeune, c’était les maisons des mines, donc c’était des grands jardins. C’était mon père qui jardinait. C’est lui qui m’a appris. Il faisait son jardin et moi je venais regarder et je copiais sur lui.
Je suis dans le Nord depuis 89. J’ai toujours vécu en appartement ici. Arrivés là dans les appartements, on ne peut rien faire, à part faire pousser des fleurs mais ce n’est pas la même chose. J’avais un manque de jardin. J’ai voulu avoir mon propre jardin. Pour changer un peu d’air, et aussi par rapport aux appartements et au quartier. Le jardin m’apporte un peu de chaleur et un peu de bonheur parce que c’est plus calme, ce n’est pas la même chose que le quartier de l’Épeule. Quand on se rencontre, ce ne sont pas des disputes, ce ne sont pas des bagarres. On est des jardiniers, c’est familial.
On se voit, on discute, on rigole, on sort des conneries. Ça nous arrive à des moments qu’on soit là et qu’on fasse un barbecue ensemble, sans qu’on ait décidé, comme ça, d’un seul coup. Donc c’est l’ambiance.
Je mets des pommes de terre, des poireaux, bien sûr, de la salade, des oignons, des ails, on essaye les courgettes, on met des fleurs -ça on en met pour égayer. Quand on est femme, on aime bien les fleurs ! Je suis toujours gaie, donc si le jardin n’est pas fleuri ça ne me ressemble pas.

 

 

 

 

Francine Morel. I was born in the department of Pas-de-Calais in 1967, quite near to Béthune. When I was young, these were the mining houses, so their gardens were large. My father used to garden. It was he who taught me. He would tend to the garden, whilst I would just come to watch and copy whatever he did.

I have lived in the north of France since ‘89. I have always lived in flats here. Once we arrived there, we couldn’t do anything apart from growing flowers, but this isn’t quite the same thing.  I missed the garden – I wanted to have my own. To get some more fresh air, and to also help cultivate the relationship between the flats and within our neighbourhood. The garden brings me a little warmth and happiness, being more tranquil and something distinct to the district of l´Épeule. When we meet there, it is all free from arguments, free from fights. We are gardeners – members of a family.

We see each other, we talk, we laugh – there’s no bullshit. It brings us moments when we’ll just be there and have a barbeque together, without it having been previously planned – just like that – completely spontaneously. That’d be the perfect atmosphere. (…)

 

 

 

 

Saïd Atrous. Je suis né le 24 juillet 1930, à Maâfa, en Algérie. Mes parents, c’était des fermiers, ils avaient des vergers et des chevaux, des bœufs, des moutons, des chèvres. Quand je revenais de l’école et le week-end, j’allais voir comment ils faisaient avec la charrue, comment ils labouraient, comment ils semaient.
Mon instituteur en Algérie, avait été envoyé par la France. Ce n’était pas un coopérant – parce qu’on était français à l’époque. J’arrivais à un certain niveau et mes parents ont décidé qu’il fallait que je finisse mes études en France. Et puis, j’ai perdu ma mère, j’avais des raisons de partir. Je devais aller à Bordeaux parce que la mère et les sœurs de l’instituteur étaient là-bas. Je suis arrivé en France en 1949 pour rentrer au collège. Et finalement, je n’y suis pas allé, je suis tombé sur des jeunes et on est venu ici dans le Nord.
Je tiens des deux cultures. Un peu algérien, un peu français. La récolte est à peu près la même, la façon de travailler ne l’est pas. Il y en a un qui sème avec un tracteur et l’autre il sème les graines à la main. Je pense que de voir mes parents travailler cela m’a appris des choses. Ce n’est plus comme avant. Avant c’était avec une charrue, un cheval ou un taureau. On n’avait pas de bèche à quatre dents. Maintenant on en a. Les outils ça aide.
Quand j’étais commerçant, je faisais un jardin pour m’occuper quand je ne travaillais pas, pour ne pas m’ennuyer. J’avais une partie potager et une partie pelouse avec des fleurs et des sapins. Ce jardin ci, ça fait sept ans que je l’ai. Quand on est arrivés ici, c’était des cours. Il y avait des briques partout. J’ai retiré toutes les briques, un jour mes mains avaient même du sang. Je cultive un peu de tout, l’homme orchestre. Je fais des fèves, des petits pois, des courgettes, des potirons, des courgettes à farcir, des poireaux, je mets même du piment et des poivrons. (…)

 

 

 

 

Saïd Atrous. I was born on the 24th of July 1930, in Maâfa, Algeria. My parents were farmers who owned orchards and livestock – horses, oxen, sheep and goats. I’d rush to see them working the plough as soon as school finished and then on weekends, how they tilled and planted crops.

My teacher in Algeria had been sent to France. He wasn’t a development aid volunteer, because they were all French during that era. I was reaching a certain educational level, and my parents decided that I’d go to finish my studies in France. And then I lost my mother – I had a reason to leave. I needed to go to Bordeaux because my teacher’s mother and sisters were living there.

I arrived in France in 1949, in order to return to college. I didn’t even go in the end, stumbling across some other young people with whom I went up north.

I am part of both cultures. Part Algerian, part French. The harvest is more or less the same – the way of working is not. There are those who sow the seed with a tractor, and others who sow by hand. I think that I have learnt many things merely by watching my parents work. It’s not like it used to be. Before, it was done with a plough, or a horse or bull. Four-pronged forks didn’t exist. Now, they do. Tools are a great help. (…)

 

 

 

 

Lorinda Borges. Je suis née au Portugal le 16 juin 1952, à cinquante kilomètres de Porto. J’ai commencé à travailler à l’âge de 9 ans. Je travaillais avec mes parents pour les aider. Ils faisaient des petits sacs en paille pour faire les courses, et puis nous, avec mes frères et sœurs -on était huit- on les aidait. On trempait les petits morceaux de paille dans la peinture et on allait les vendre au marché de Barcelos, au nord de Porto. On ne gagnait pas beaucoup, des petits salaires pour acheter cinquante grammes de sucre, cinquante grammes de riz, on achetait un petit peu à la fois.
Mon père est parti en France, en 1970 pour travailler dans le bâtiment, il était maçon. Je disais à ma maman que je ne pouvais pas rester au Portugal. Je voulais aller en France pour gagner un peu plus et avoir une vie meilleure. J’ai écrit une petite lettre à mon papa. Quand il est venu passer Noël avec nous, il a demandé si on voulait partir dans une quinzaine de jours. « Oui, je veux y aller ! » Je suis partie avec un genre de passeur, c’était un cousin de mon village, mon papa a payé un petit peu. Deux mois après, je travaillais en France.
J’avais dix neuf ans quand je suis arrivée ici. J’ai eu du travail parce que ma sœur travaillait dans l’usine de filature Provost. Ma mère a rejoint mon père un an après moi, avec toute la famille. Mon frère le plus vieux qui faisait la guerre en Guinée est venu aussi. J’ai appris à jardiner parce que je voyais toujours ma maman jardiner de belles fleurs, de belles roses. A l’époque, mes parents avaient un jardin à Wattrelos, c’était à une heure à pieds, ma mère allait à pieds, et mon papa à vélo.
J’ai eu un cancer il y a six ans. Un an après, j’ai eu mon jardin. Dans le jardin, j’oublie tout. Je suis là en train de bricoler, j’oublie ma maladie. C’est un anti-stress, c’est mieux que les médicaments, mais bon, je sais que les médicaments ça aide un petit peu. J’arrive à trouver la paix, j’écoute le chant des oiseaux, les enfants d’à côté qui jouent, j’aime bien. (…)

 

 

 

 

Lorinda Borges. I was born in Portugal, on the 16th of June, fifty kilometres from Porto. I started working at the age of nine. I worked with my parents to help them. They used to make small shopping bags out of straw, and I’d help them along with my brothers and sisters – all eight of us. We’d soak the small bundles of straw in paint, and go to sell them in the market at Barcelos, north of Porto. We didn’t earn much – a small wage to buy fifty grams of sugar, or fifty grams of rice – modest amounts at a time.

My father left for France in 1970, to work in the construction trade – he was a mason. I told my mother that I could not stay in Portugal. I wanted to go to France to earn a little more, in order to have a better life. I wrote a short letter to my father. When he returned to spend Christmas with us, he asked whether we wanted to leave within the next fortnight. “Yes, of course I want to go there!” I left with a sort of ferryman who was some guy from my village – my dad paid him off for the journey. Within two months, I was working in France. (…)

 

 

 

 

 

 

Jean-Pierre Soler. Je suis né à Ronchin, en 1954. Je suis un vrai chti ! Je suis attaché à ma culture, je fais beaucoup de carnavals. Carnaval de Commines, Croix, Roubaix, les brocantes, ça c’est typique du Nord, on dit les marchés aux puces dans le Nord.
C’est mon grand-père qui m’a appris à jardiner. Il avait un jardin ouvrier à Ronchin où j’habitais. C’était le long des voies ferrées. Tout gamin, j’allais au jardin avec lui. Il m’expliquait des trucs. Pour lui c’était un besoin, il nourrissait sa famille pratiquement qu’avec le jardin.
Quand on était gamins, on habitait à Fives, dans un trois pièces et on n’avait pas de jardin. Après, mes parents ont eu une maison avec un jardin, et mon père a repris un jardin ouvrier à côté. Il a continué à m’apprendre. En ce temps là, c’était le jeudi, on n’avait pas cours, donc on passait le jeudi après-midi dans le jardin. Ça aidait beaucoup. J’ai eu quinze frères et sœurs. C’était beaucoup les aînés, dont je faisais partie, qui y allaient.
J’ai toujours jardiné à la maison. Le jardin ça détend, on se vide la tête. Vous pensez à votre jardin et vous ne pensez à rien d’autre. On se ressource. Je pense que le jour où j’arrêterais le jardin, c’est que je ne saurais plus marcher ! Ça représente beaucoup. Je pense que ça sera jusqu’au bout le jardin, tant que j’ai la possibilité de venir, j’aurais un jardin. C’est un besoin.
Ce qui me plaît, c’est les gens qu’il y a ici et autour. Le plaisir de rencontrer plein de gens, parce qu’il y a des gens qui passent et si c’est ouvert ils rentrent et puis on discute. Et puis le plaisir de travailler la terre. Chez nous, on mange beaucoup d’ail. Je ne suis pas du Sud, je suis du Nord mais moi j’aime bien l’ail et mon épouse aussi. J’ai mis 150 têtes d’ail et je n’en ai pas assez pour l’année. Parfois, on a des coups de blues on se dit «C’est vrai que Pépé, il faisait comme ça lui, je me suis planté, je n’ai pas fait comme il fallait.» (…)

 

 

 

 

 

 

Jean-Pierre Soler. I was born in Ronchin in 1954. I am a true chti [Picard-speaking native of French Flanders]! I am very attached to my culture – I’m always going to carnivals. The carnivals of Commines, Croix, Roubaix – all typical of the flea markets found in the north.

My grandfather was the one who taught me about gardening. He had an allotment in Ronchin where I lived. It was situated beside of the railway tracks. As a child, I’d go to the garden with him. He used to give me some tips. For him, it was more than enough, as he was able to feed virtually his whole family with the produce from the garden.

When we were kids, we lived in Fives, in a three-bedroom house without a garden. My parents later had a house with a garden, and my father cultivated another allotment. He continued to teach me. Back then, I wouldn’t have school on a Thursday, so we’d spend Thursday afternoons in the garden. That helped greatly. I had fifteen brothers and sisters. There were many older children who’d go there, including myself.

I have always gardened at home. The garden relaxes you – it clears your mind. You just think about your garden, and nothing else. You unwind. I think that the day when I stop tending to the garden will be the day I can no longer walk! It represents very much. I believe that until the end of this garden – as long as I am able to keep coming here – that I will have a garden. It is a basic necessity. (…)

 

 

 

 

Amar Benhadda. Je suis né à Alger, le 1er avril 1955. Je suis arrivé en France en 1960 à Roubaix. C’était le choix de mes parents de venir, suite à la guerre. Je retourne rarement en Algérie. Depuis 1960, j’y ai été trois ou quatre fois. J’ai un frère qui habite là-bas. Après, moi j’ai fait ma vie ici, j’ai été à l’école ici, j’ai vécu ici, je me suis marié ici. Mon père est décédé au pays pendant la guerre et ma mère est venue en France jeune, elle s’est remariée et puis elle a eu quatre enfants. Elle est restée ici.
Je voulais un jardin pour cultiver, pour faire un petit peu de légumes et puis passer le temps. Je suis au chômage depuis quatre ans, je ne trouve pas de boulot, alors je passe mon temps comme je peux. C’est un passe-temps et puis un petit peu de récolte. Ce n’est pas perdu, c’est des légumes frais, c’est de l’argent en moins à dépenser.
J’ai appris à jardiner en regardant les autres de mon jardin. J’ai appris tout seul, j’ai pris la pelle, la pioche et le râteau et voilà. J’ai demandé conseil aux autres jardiniers. Je cultive des patates, des oignons, des haricots, des petits pois, des tomates, des fèves, de la coriandre, de la menthe, des courgettes et des échalotes. C’est un jardin, ce n’est pas un champ !
Chaque jardinier a son petit terrain. On met des légumes, pratiquement tous la même chose. Enfin, cela dépend des origines. Les portugais mettent plus de choux, choux de Bruxelles, tout ce qui est navets et feuilles. C’est leurs plantes, c’est leur tradition. Nous, c’est plutôt le couscous : carottes, navets, oignons, courgettes. Mais ce n’est pas parce qu’on jardine des carottes et l’autre il jardine du chou qu’on a des mentalités différentes. On est tous pareils, on est tous des jardiniers. C’est juste la graine qui change. La façon de faire, elle est pareille.

 

 

 

 

Amar Benhadda. I was born in Algiers, on April 1, 1955. In 1960, I arrived in Roubaix, France. My parents chose to come here after the war. I rarely return to Algeria. Since 1960, I’ve only been back three or four times. I have a brother who lives there. But I began a new life here – I went to school here and I got married here. My father passed away in Algeria during the war, and my mother came to France when she was young. She remarried and had four children. She’s still here.

I wanted a garden to tend to and to grow some vegetables in. To spend time in. I’ve been unemployed for four years now – I can’t find a job, so I try to best utilise my time. It’s a hobby with a decent yield. It is not lost – it’s about fresh vegetables and a little less money to spend.

I learned gardening by watching others in my garden. I learned all alone – I took the shovel, the pickaxe and the rake… and voilà. I asked other gardeners for advice. Now, I grow potatoes, onions, beans, broad beans, peas, tomatoes, coriander, mint, courgettes shallots. It’s just a garden, not a field! (…)

 

 

 

 

Yolaine Callewaert. Je suis née le 21 avril 1949 à Roubaix. J’ai appris à jardiner avec mon père quand j’étais enfant, qui avait lui même un jardin ouvrier beaucoup plus grand que celui-là, et qui nous emmenait avec lui, pendant les vacances et le dimanche. J’ai toujours bien aimé travailler la terre. Les supermarchés n’existaient pas à l’époque. Cela nous permettait d’avoir des légumes pendant toute la belle saison et de cultiver des choses qui à l’époque coûtaient chers, comme les tomates, les melons, qui ne poussaient pas par ici.
C’est l’abbé Lemire qui était député du Pas-de-Calais, qui voyait autour de lui que les gens qui avaient un jardin arrivaient mieux à joindre les deux bouts que les autres ouvriers qui n’en n’avaient pas et qui étaient obligés de tout acheter. Il a donc étudié cela de près et il a estimé qu’un carré de 120m2 correctement cultivé permettait de subvenir pour six mois aux besoins d’une famille de quatre personnes. C’est comme ça que les premiers jardins ouvriers ont démarré dans le Pas-de-Calais. Petit à petit ça a essaimé, beaucoup dans le Nord et dans la région parisienne, même s’ils n’ont pas tous la même géométrie.
Dans le Nord et dans le Pas-De-Calais, quand on avait un jardin avec pelouse et fleurs, on appelait ça une cour. Le jardin c’était le potager. Et un potager, au départ, c’était les légumes pour le potage c’est à dire carottes, navets, oignons, poireaux, pommes de terre. À l’époque de mes parents, on se nourrissait du potager. Ma grand-mère avait une rampe de gaz qu’elle mettait dans la cour, elle mettait dessus une lessiveuse et elle stérilisait ses bocaux de petits pois et de haricots verts.
Vous apprenez à ne pas gaspiller. Vous connaissez le prix du produit par la sueur, par les courbatures. Ma grand-mère faisait des soupes avec les fanes de radis – c’est excellent et donc vous mangez la racine, vous mangez les feuilles et vous ne gaspillez rien. (…)

 

 

 

 

Yolaine Callewaert. I was born in Roubaix on the 21st of April 1949. When I was a child, I learned gardening with my father, who had an allotment much larger than this one here, and who took us with him on Sundays and during the holidays. I have always loved working the land. Supermarkets simply didn’t exist back then. This allowed us to have vegetables throughout the summer months and to grow produce that was quite dear during that era, such as tomatoes and melons, which did not grow locally.

The Abbot Lemire was the parliamentary representative for Pas-de-Calais, who first realised that those around him with a garden were better equipped to make ends meet than those workers without their own plot of land who had to purchase all of their provisions. He therefore investigated further, and concluded that that a 120m2 plot of land, cultivated correctly, could provide for a family of four for up to six months. As such, the first gardeners started working in Pas-de-Calais. Little by little, many scattered throughout the north and Paris, even if they do not abide to the same geometrical formulae to this day. (…)

 

 

 

 

 

 

Antonio Alvez Pereira. Je suis né au Portugal, à Vila Verde, en 1957. Je suis arrivé le 19 janvier 1975. J’accompagnais mes parents pour venir au mariage de ma sœur et finalement je suis resté.
Cela fait dix ans que je ne suis pas retourné au pays. Je n’ai rien là bas. Si j’y vais, je vais à l’hôtel, donc c’est rare que j’y aille. J’ai des frères, des sœurs, des cousins, ils sont tous là-bas, c’est une grande famille. Mais bon, la dernière fois que j’y ai été, cela faisait dix ans que je n’y étais pas allé. Ils savaient que j’arrivais, ils étaient seize sur le rond point, à attendre. Je me disais « Ça fait dix ans que je suis pas venu mais je ne suis pas le président de la république qui arrive ! » Il y avait des jeunes que je ne connaissais pas à côté de moi « Hé tonton, tu ne me reconnais pas ? » « Non, t’es le fils de qui ? » C’est vrai, en dix ans, c’est fou, on ne connaît pas la moitié des petits-enfants. J’ai des frères, des sœurs, on est huit. Ils sont là-bas, ils sont ici. Mais sinon là-bas j’en ai quatre.
J’aime bien le jardin. Cela vient de ma famille. Je viens d’une famille d’agriculteurs. Là-bas, c’est la campagne complète. Mes parents travaillaient la terre. On est né avec ça, cultiver le jardin. Quand j’étais jeune, je regardais comment ils faisaient. On avait le jardin dehors, à côté de la maison, ils cultivaient des concombres, des oignons, du chou, ceci, cela. On avait tout dans le jardin. La récolte était pour la famille, pour la maison. On vivait de la culture du terrain, c’est tout.
J’ai gardé cette tradition, cela me rappelle mon enfance, ce qu’on faisait avant. Ça représente quelque chose de bien, au lieu d’aller au magasin je vais chercher dans le jardin. Cela me fait plaisir d’arracher. Par exemple, je veux deux échalotes, je vais chercher deux échalotes, ça me fait une salade. On met des choses que les autres ne connaissent même pas. On fait pousser un peu de tout. (…)

 

 

 

 

 

 

Antonio Alvez Pereira. I was born in Vila Verde in Portugal, in 1957. I came here with my parents on the 19th of January 1975 in order to attend my sister’s wedding, and eventually ended up staying.

I haven’t been to my homeland in ten years. I have nothing back there. If I go, I’ll stay in a hotel, so it’s quite rare that I actually do. My brothers, sisters and cousins are all still living there – it’s a large family. Anyhow, it’s been ten years since I was last there, and I didn’t even go home that time. They knew that I was coming – there were sixteen of them waiting on the roundabout. I told myself, “It’s been ten years since I’ve been back, but I’m not President of the Republic or anything!”

There were some younger children that I didn’t know beside me. “Hey Uncle, don’t you recognise me?” “No, whose kid are you?” It’s true – within just ten years, we don’t even recognise half of the kids – it’s just crazy. I have seven brothers and sisters. They’re here and there. But four are elsewhere.

I like the garden. That comes from my family. I come from a family of farmers. It’s purely countryside out there. My parents worked the land. We were born with that innate gift for tending to the garden.

When I was young, I saw how they did it. (…)